Depuis nos premiers pas d’architectes, une idée s’est ancrée en nous : le béton serait le matériau par excellence, solide et indétrônable. Mais si cette croyance ne venait pas seulement de l’ingénierie… et trouvait ses racines dans notre culture et notre éducation ?
Une culture façonnée dès l’enfance
Souviens-toi du conte des Trois petits cochons. On y apprend que la maison en paille ou en bois est fragile, balayée d’un souffle. La maison en briques, elle, résiste. Derrière ce récit apparemment anodin, un message persiste : pour construire solide, il faut des briques… et donc, par extension, du béton.
Pas étonnant que ce matériau ait gardé une place centrale dans nos pratiques architecturales. À l’école, nous avons admiré les œuvres de Le Corbusier ou d’Oscar Niemeyer : des chefs-d’œuvre de béton, sources d’inspiration et de fascination. Et je le reconnais volontiers : le béton est beau. Il permet des gestes architecturaux uniques. Mais à quel prix ?
L’envers du décor : béton, sable et climat
Derrière l’image lisse du béton se cache une réalité environnementale et sociale préoccupante.
Le béton est partout, utilisé de façon systématique. Problème : il consomme du sable, une ressource en voie de raréfaction. Contrairement aux idées reçues, le sable du désert est inutilisable pour la construction. Ce sont donc les rivières, les carrières et les fonds marins qui sont exploités, avec des conséquences écologiques dramatiques : disparition d’écosystèmes, fragilisation des côtes… et apparition d’un trafic mondial illégal de sable.
Mais ce n’est pas tout. L’élément clé du béton, le ciment, est l’un des grands responsables des émissions de CO₂. Sa production, qui nécessite de cuire du calcaire à 1450°C pendant de longues heures, génère à elle seule environ 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. À titre de comparaison, c’est plus que le secteur aérien.
Explorer des alternatives crédibles
Faut-il pour autant bannir le béton ? Pas nécessairement. Le problème réside surtout dans son usage massif. La question à se poser est : pourquoi et comment l’utilisons-nous ?
Aujourd’hui, des solutions existent – et elles ne datent pas d’hier. Parmi elles :
- Le béton de chanvre : mélange de chènevotte, de chaux et d’eau. Non porteur mais isolant, respirant et régulateur hygrométrique. Le chanvre pousse rapidement, capte du CO₂ et ne nécessite ni pesticides ni irrigation.
- Le pisé : une technique ancestrale de construction en terre crue, compactée dans des coffrages. Entièrement local et biosourcé, il est porteur, régule naturellement la chaleur et apporte confort été comme hiver.
Ces matériaux exigent des précautions (protection contre l’humidité, savoir-faire spécifique), mais ils offrent des pistes concrètes vers une architecture plus respectueuse des écosystèmes.
Apprendre, tester, se former
Personne n’a toutes les réponses. Moi la première, j’apprends encore. Mais la bonne nouvelle, c’est que ça s’acquiert.
➡️ Lire les fiches pédagogiques du collectif Biosourcés.
➡️ Participer à des chantiers collaboratifs pour expérimenter et comprendre la matière.
➡️ Échanger entre professionnels et professionnels en devenir pour progresser ensemble.
Vers une architecture responsable et assumée
Construire autrement n’est pas réservé à quelques “bobos écolos” ou aux autoconstructeurs. Ces alternatives ont toute leur place dans une architecture contemporaine, inventive et durable. À nous, architectes, de les intégrer avec intelligence, selon le contexte, les besoins et les projets.
Alors je t’invite à prendre un instant :
👉 Quelle trace ai-je envie de laisser à travers mes projets ?
👉 Quels matériaux incarnent le mieux mon architecture et mes valeurs ?
C’est en remettant en question ce qu’on nous a enseigné que l’on ouvre la voie à une pratique plus alignée, plus consciente, et surtout plus impactante pour l’avenir.
🎧 Cet article est issu d’un épisode de mon podcast Fondations.
➡️ Pour aller plus loin, tu peux l’écouter ici.
Et si tu veux échanger autour de ces questions, je serais ravie d’en discuter avec toi.